Accompagnement psychopédagogique

Bien différencier Supervision, Analyse des pratiques et Régulation d’équipe…

A l’heure actuelle, beaucoup d’équipes demandent indifféremment de la supervision ou de l’analyse des pratiques, plus occasionnellement de la régulation.

L’expérience montre que, derrière une demande de supervision, se cachent des situations très différentes qui correspondent rarement à une réelle demande de supervision, et beaucoup plus fréquemment à une demande de régulation d’équipe, ou d’analyse des pratiques. Il est donc très important pour le Directeur, comme pour les équipes, de bien différencier trois niveaux d’interventions qui n’ont strictement rien à voir les uns avec les autres.

La supervision

La supervision est un espace offert au salarié afin qu’il puisse réfléchir sur ce qu’il met en jeu en tant que personne dans sa pratique quotidienne auprès des usagers. En termes plus psychologiques, on peut dire que c’est un espace où la personne va analyser les phénomènes transférentiels dans le cadre de son activité professionnelle.

Etant donné que c’est un espace qui implique le participant dans ce qu’il met en jeu personnellement dans sa pratique professionnelle, ou la situation évoquée, c’est nécessairement un espace où la personne se rend par choix personnel : la supervision est donc basée sur le volontariat, en aucun cas elle ne peut être un espace imposé ou obligatoire. Elle sera assurée nécessairement par un psychologue clinicien, un psycho-analyste, un médecin psychiatre, un psychothérapeute, ou un intervenant spécifiquement formé à la supervision analytique.

Enfin, le clinicien choisi est nécessairement extérieur à l’établissement ou à l’équipe.

L'analyse des pratiques

Contrairement à la supervision, l’analyse des pratiques ne concerne pas la personne mais bien le professionnel et porte sur les actes et les gestes qu’il peut poser dans le cadre de l’exercice de son métier.

L’analyse des pratiques se situe donc sur deux plans : l’éclairage disciplinaire sur les pratiques et leurs « conséquences » pour les usagers et l’aide à la théorisation de la pratique. La participation est très souvent obligatoire, comme axe de soutien et d’étayage nécessaire, et dans la mesure où il s’agit bien de réfléchir sur les actes professionnels et sur les pratiques des salariés, et en aucun cas sur ce qu’ils mettent en jeu personnellement dans la relation.

L’analyse des pratiques est animée par un professionnel qui est expert dans une ou plusieurs disciplines, son expertise pouvant venir soit de sa formation initiale, universitaire (juriste, sociologue, psychologue, ethnologue, sciences de l’éducation…), soit de sa compétence et de ses expertises professionnelles cumulées. Ainsi, un chef de service, un éducateur chevron peuvent parfois animer des séances d’analyse de pratiques…A condition qu’eux aussi mettent au travail leur propre pratique d’animateur de GAP par le biais d’une supervision individuelle ou collective.

L’analyse des pratiques est donc un espace ressource, à partir d’une pratique quotidienne, qui capitalise l’expérience en la reliant à des concepts théoriques. Elle a également pour objectif de développer la capacité des membres de l’équipe à échanger, à se questionner, et réfléchir sur leur pratique bien au delà du cadre d’APP.

La régulation de l'équipe

Souvent confondue avec la supervision, la régulation d’équipe s’en démarque pourtant totalement. Elle a pour objet de restaurer les capacités de coopération entre les professionnels.

Cet objet-là est à prendre au sens littéral, c’est-à-dire que l’on ne déclenchera une régulation d’équipe qu’à partir du moment où il aura été fait constat que les professionnels sont dans une difficulté de coopération (telle par exemple que cela diminue la qualité de service rendu aux usagers ou sans attendre d’en arriver à un tel point…que la qualité des relations de travail au quotidien se dégrade continuellement). Dans le cadre d’une régulation d’équipe, on voit donc que l’on part d’une situation de mésententes répétées, de difficultés de coopération entre certains membres d’une équipe, de conflits, de blocages voire d’incapacité de production.

Dans la mesure où la régulation d’équipe touche à la coopération, elle touche à la dynamique de groupe, à l’organisation du travail, à la production. Elle n’est donc pas du domaine réservé à la psychologie clinique, mais bien plus de la psychosociologie. C’est pourquoi on aura le souci et la vigilance de s’assurer les services d’un intervenant spécifiquement formé à la psychosociologie (ou d’un sociologue du travail) quand il s’agit de mettre en oeuvre une régulation d’équipe.

De nombreuses régulations d’équipe qui ne s’appelaient pas par leur nom et qui étaient prises en tant que supervisions n’ont pas abouti pour la raison suivante : une fois que le clinicien avait aidé les participants à mettre en parole leurs difficultés personnelles et collectives, la supervision était censée avoir, à travers cette explication, un impact sur le fonctionnement. C’est ici que nous définissons la différence dans l’approche des choses : pour nous, la régulation d’équipe se situe en 3 phases essentielles :

  • une phase d’analyse (état des lieux des dysfonctionnements)
  • une phase d’expression en collectif et/ou interindividuel des blocages
  • une phase d’accompagnement de nouveaux modes de fonctionnement par l’expérimentation.

En effet, l’expérience montre qu’un simple audit et « une mise à plat » de l’existant – même s’ils sont complétés par des préconisations écrites – sont totalement inopérants s’ils ne sont pas suivis d’un accompagnement aux changements.

La première phase que l’on peut appeler « état des lieux », est une phase qui consiste à : interviewer en individuel et/ou en collectif l’ensemble des membres de l’équipe ; restituer le résultat des interviews ainsi que l’analyse à l’équipe : élaborer avec le groupe les pistes de régulation à mettre en oeuvre. Un débat collectif conclut l’état des lieux qui a permis l’expression et la prise de conscience par l’ensemble des membres du groupe de la nature des dysfonctionnements et des bénéfices secondaires associés, des causes historiques, etc.

Cette phase essentielle de contractualisation avec le groupe (concrétisée par un rapport écrit) précise bien tous les types de dysfonctionnements, comment ils se caractérisent et, l’analyse des causes… Elle constitue le point charnière où, suite à la prise de conscience de tout ce qui ne va pas, le groupe exprime le désir de sortir d’une situation qui ne lui correspond plus ou qui ne lui convient plus.

La deuxième phase qui régule les dysfonctionnements consiste à favoriser les échanges interindividuels et collectifs sur les points de dysfonctionnements analysés ; resituer l’équipe dans un climat d’échange authentique et l’accompagner dans l’évolution de ses relations. Par séance semi-collective et/ou collective, les temps de régulation des dysfonctionnements font l’objet d’un compte-rendu écrit par séance, validé par le groupe et permettant la mémoire des échanges et de leur évolution. Le suivi individuel, proposé en fonction des besoins de chacun, favorise le suivi de l’accompagnement des évolutions inter séances. Le travail sur les dysfonctionnements trouve son aboutissement dans la capacité du groupe à élaborer avec l’intervenant des pistes d’amélioration engageant des changements qui peuvent toucher à la relation, l’organisation et la production.

La troisième phase débute par un temps de travail sur les changements organisationnels nécessaires (en termes d’organisation de travail, de fiches de poste, de changement des méthodes de communication, de changement au niveau du management…), et se poursuit par une phase d’accompagnement et d’expérimentation pendant laquelle le groupe fera le point très régulièrement avec l’intervenant sur la mise en acte des changements.

Ici, il est important de faire un détour sur la définition d’expérimentation.
L’expérimentation est une phase de travail que l’on crée et pendant laquelle les acteurs de l’équipe vont essayer de mettre en place, concrètement, les changements décidés au départ. Un aspect important va être qu’en mettant en place les changements, les acteurs vont se confronter à la fois à des réussites et à des difficultés, mais parfois aussi vont se confronter à la mise en oeuvre des résistances telles qu’elles étaient déjà apparues dans l’état des lieux initial… C’est une étape très importante car elle participe d’une prise de conscience de plus en plus approfondie de la nature des ressources et des freins au sein de l’équipe, confrontée aux différents changements.

C’est cet approfondissement croissant de la prise de conscience initiale qui va renforcer en boucle le désir de s’en sortir.

Soutenus par l’accompagnement méthodologique régulier, les membres de l’équipe mobilisent les ressources individuelles et collectives pour mettre en actes le projet prévu.

La régulation est alors terminée.